Existe-t-il une relation entre l’occlusion et les problèmes de posture ?
Nous rencontrons fréquemment des personnes ayant d’importantes malocclusions et présentant aussi divers symptômes comme des problèmes aux articulations temporo-mandibulaires (ATM), une ouverture limitée de la bouche, des douleurs au cou, aux épaules, des maux de dos, une posture anormale, etc.
Nous avons aussi vu plusieurs personnes voir leur condition s’améliorer (à différents degrés) suite au port d’une plaque articulaire ou d’un traitement d’orthodontie. Bien que les cas que nous ayons traités puissent être qualifiés d’anecdotiques, car ils n’ont pas fait l’objet d’une étude contrôlée, nous avons rencontré assez de gens ayant bénéficié de telles thérapies que cela ne puisse être attribuable uniquement au hasard. Il est plus connu et accepté que l’occlusion influence directement la fonction des mâchoires et par conséquent les ATMs. Cependant, il est difficile d’établir, hors de tout doute, qu’il existe une relation directe entre la malocclusion et plusieurs autres symptômes. Mais qu’en est-il de la posture générale d’une personne ? Une malocclusion importante peut-elle avoir une influence jusque dans la conlonne vertébrale au point de causer des déformations de la colonne (scoliose) ?
Il y a plusieurs causes connues pour certains types de scolioses (pathologies, malformation congénitale, dystrophie musculaire, traumatisme, infection, etc.) mais il existe des scolioses d’origines inconnues affectant surtout les adolescents (scoliose idiopathique adolescente ou SIA).
Quelques faits sur les SIA :
- elles affectent surtout les filles ;
- elles affectent ± 4% de la population ;
- l’âge critique de progression est entre 12 et 16 ans ;
- leur origine est multifactorielle.
Plusieurs études scientifiques ont tenté d’établir un lien entre l’occlusion et les problèmes de scoliose. Les études sur les humains sont surtout des études transversales d’observations; l’occlusion de patients avec une scoliose est évaluée pour voir si certaines relations peuvent être établies avec la présence d’une malocclusion. Voici les observations de quelques unes de ces études :
1991, Pecina et coll., Yougoslavie
Ils ont constaté que les enfants scoliotiques de 7 à 17 ans ont :
- 2 fois plus d’encombrements dentaires (manque d’espace) ;
- 2 fois plus de protrusions mandibulaires ;
- 2 fois plus d’occlusions fermées (surplomb vertical des dents antérieures excessif) ;
- 10 fois plus d’agénésie dentaire (absence congénitale de certaines dents).
Ils conclurent que tous les enfants avec une scoliose importante devraient consulter un orthodontiste et que ceux avec une malocclusion héréditaire devraient consulter un orthopédiste.
2006, Ben-Bassat et coll.
Chez 96 adolescents scoliotiques comparés à 750 personnes normales on a remarqué :
- une variation dans la position des molaires droites et gauches ;
- plus de déviations des lignes médianes des dents (alignement) ;
- plus d’occlusions croisées.
D’autres études ayant évalué des enfants scoliotiques ont observé qu’une proportion de 37% avait des occlusions croisées (Korbacher, 2004).
Huggare (1991), constata que 55% de 22 jeunes adultes traités pour scoliose présentaient aussi une occlusion croisée, comparativement à 18% pour les contrôles.
Des critiques ont cependant mentionné que plusieurs des études sur ce sujet sont incomplètes et ne permettent pas de tirer des conclusions définitives.
L’étude idéale consisterait à créer une malocclusion et voir ce qui se produirait au niveau de la colonne vertébrale! Évidemment, il ne serait pas logique tenter une telle expérience chez l’humain simplement pour voir si une scoliose se développerait! Cependant une telle étude a été effectuée avec des animaux et les conclusions sont très intéressantes.
Une malocclusion fut créée chez des rats en ajoutant de l’acrylique sur des molaires de façon à créer un inconfort obligeant l’animal à déplacer la mandibule vers le côté. (D’attillio et coll. 2005)
Les 30 rats de l’étude ont tous développé une scoliose importante après une semaine. Lorsque de l’acrylique a été ajouté sur une dent du côté opposé pour équilibrer l’occlusion, 83% des animaux testés retournèrent à la normale et virent leur scoliose disparaître. Les chercheurs conclurent que l’alignement de la colonne vertébrale des rats était influencée par l’occlusion.
Exemple de cas clinique – L’étude de D’Attillio a créé une malocclusion en ajoutant de l’acrylique sur la molaire d’un rat #9629
L’étude de D’Attillio a créé une malocclusion en ajoutant de l’acrylique sur la molaire d’un rat. Après une semaine, tous les rats avaient développé une déviation importante de la mandibule (occlusion croisée). Un sujet avant l’expérience; la colonne du rat était relativement droite. Avec la malocclusion, l’animal a développé une déviation importante de la colonne (scoliose) qui a disparu lorsque l’occlusion normale fut rétablie.
Les conclusions de cette étude pilote ne peuvent s’appliquer automatiquement aux humains mais elles laissent croire qu’il puisse y avoir une relation anatomique et fonctionnelle entre l’appareil masticatoire et la colonne vertébrale.
Une relation entre la partie cervicale de la colonne vertébrale et l’appareil masticatoirea été établie par plusieurs auteurs. Par exemple, certains chercheurs ont démontré :
- une corrélation entre la longueur de la mandibule et la sévérité d’une lordose cervicale (courbure exagérée) chez des patientes ayant des dérangements internes des ATM. (Festa et coll., 2003) ;
- que l’utilisation d’une plaque articulaire stabilisante causait une extension de la tête sur la colonne cervicale et une diminution significative de la lordose chez des patients ayant des spasmes musculaires dans la région du cou. (Moya et coll., 1994) ;
- la courbure de la colonne thoracique augmente avec la présence d’une prognathie faciale et une longueur accentuée de la mandibule. Ceci suggère que cette courbure de la colonne agit comme mécanisme compensatoire afin de maintenir l’équilibre du corps. (Hellsing et coll. 1987).
Il est donc permis de croire que ces composantes sont reliées et s’influencent d’une certaine façon. D’autres études chez les humains seront nécessaires pour approfondir nos connaissances et la relation entre l’occlusion, les aspects fonctionnels de la posture corporelle et la courbure de la colonne vertébrale.
Une réaction en chaine dans tout le corps !
- Une position chronique de la tête vers l’avant résulte en une augmentation de la charge sur la colonne vertébrale et ses tissus.
- La tête pèse environ 4 Kg et la pression qu’elle exerce sur la colonne lorsqu’elle est bien centrée au dessus des épaules est supportée adéquatement par la colonne (posture normale).
- Cependant, pour chaque déplacement de la tête de 2.5 cm vers l’avant, une pression additionnelle de 4 Kg est exercée, de sorte qu’une position plus avancée de 7,5 cm (3 pouces) exercera 12 Kg (30 lbs) de charge additionnelle sur la colonne.
- Une inclinaison verticale de la mandibule produira une déviation de la colonne et conséquemment une déviation du bassin ainsi qu’une rotation qui peut occasionner des symptômes dans la région lombaire ( bas du dos).
- Si la mandibule est penchée d’un côté, la vertèbre C2 sera aussi affectée et le/la patient(e) sera incapable de tourner sa tête normalement vers ce côté.
Relation entre la dentition et le reste du corps, ce n’est pas un mythe !
Bien qu’on soit de plus sensibilisé à la relation potentielle entre la dentition, la posture et différents maux affectant notre corps, les grandes tendances et courants modernes proviennent encore majoritairement de cliniciens et chercheurs européens. À titre d’exemple, des ouvrages complets sont consacrés à ce sujet comme ce livre de l’ostéopathe Jean-Marie Landouzy “Mal de dos, Mal de dents – Les douleurs dues aux déséquilibres de la mâchoire et des dents” qui élabore sur la relation potentielle entre la dentition et divers maux et pathologies pouvant affecter le reste du corps comme des douleurs d’oreilles, acouphènes et sifflements d’oreilles, sensation d’oreille bouchée, vertiges, céphalées et migraines, névralgies faciales, sensations de brûlures de la langue, des ailes du nez, des lèvres, sècheresse de la bouche, perlèche et surtout le mal de dos exprimé par des douleurs chroniques affectant la colonne vertébrale, le bassin et plusieurs autres symptômes.
Dans cette publication, l’auteur explique comment un déséquilibre des mâchoires et une mauvaise occlusion peuvent être responsables de multiples pathologies douloureuses. L’origine des ces douleurs étant souvent difficile à identifier, plusieurs patients sont alors “étiquetés” comme étant des malades psychosomatiques alors qu’ils souffrent réellement de malaises chroniques. Ils désespèrent alors voir leur condition s’améliorer. Le fait pour ces patients de mieux comprendre leur maladie leur permet de mieux la maîtriser de l’assumer et de participer à leur guérison.
Réferences : www.e-radiography.net, – J. ODQ,14 Vol. 47, no 4, Août-sept 2010, – D’Attilio et coll., Cranio. 2005 Apr;23(2):119-29. ; Functional anatomy and TMJ Pathology, S. R. Olmos, 2007
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